Intégration et diversité : Le modèle libanais Une approche historique
|بقلم : الدكنور أنطوان خوري ، أستاذ متخصص في العلاقات الدولية
تلخيص
يتمتع لبنان بتنوعه الحضاري والثقافي وبغناه الديموقراطي وتجاربه الإنسانية التي ينبغي الحفاظ عليها وتطويرها. يقدم هذا المقال لمحة تاريخية عن لبنان وعن الشعوب التي لجأت اليه على مر العصور. ان هذه الشعوب دون استثناء بتنوعها الديني واللغوي تركت أرثاً كبيراً أغنت ارث لبنان جاعلة منه بلدا فريدا. كما ويتناول هذا المقال النظام اللبناني والتأثير الخارجي عليه في جميع مراحله مؤكدا اهمية الميثاق الوطني الذي يحتضن الجميع، مشيرا الى وجوب إلغاء الطائفية والمناطقية، بالإضافة يطرح كيفية الاستفادة واستغلال هذه التعددية لبقاء الصيغة اللبنانية من خلال الانفتاح الثقافي والإصلاح بعيدا عن التقوقع الديني والطائفي.
Introduction
Le Liban actuel est un ensemble pluriel et divers. Ce qui est même un trait caractéristique du pays. Paul Blanc[1], ancien ambassadeur français à Beyrouth, le qualifiait « d’état multicommunautaire ». L’histoire permet de comprendre cette constitution si particulière. Cette diversité et cette pluralité qui s’inscrivent dans le temps attestent d’un certain potentiel du territoire et de l’atout qu’il constitue de par ses particularités. Cet attrait se manifeste à travers la qualité de terre de refuge qu’il revête. Dresser un portrait socio-historique du modèle libanais permettra de bien le mettre en évidence. Celui-ci, se composera d’abord, d’une analyse de cette diversité comme une spécificité sociale. Elle se poursuivra par un aperçu de l’intégration de cette spécificité dans le système politique du territoire au cours de l’histoire moderne et contemporaine. Enfin, l’accent sera mis sur l’influence que peut avoir le contexte régional sur ce système.
La spécificité de la société libanaise
Les propos de l’historienne, Marie-Ange Lecerf sont le reflet de cette spécificité libanaise. Dans son ouvrage Comprendre le Liban[2], celle-ci décrit la société libanaise comme « un exemple quasi unique au monde de société pluriculturelle et de mosaïque religieuse ». L’examen de la composition sociologique du peuple libanais multiconfessionnel doit tout d’abord être réalisé sous des aspects historiques et géographiques. Le territoire libanais actuel a connu une riche succession de civilisations. En effet, celui-ci a été le témoin de presque toutes les civilisations qui sont passées au Moyen-Orient : les Phéniciens, les Romains, les Perses, les Arabes, les Croisés et les Ottomans. Ces différentes périodes de l’histoire ont chacun laissé un héritage accumulé en couches successives. La position géostratégique du territoire est la principale source d’explication de ces pénétrations. L’ensemble de ces différentes civilisations installées sur le territoire reflète sa nature plutôt accessible. Le Général français Pierre Rondot[3] allait même jusqu’à parler de « montagne ouverte sur la mer » pour parler du territoire libanais dans son article intitulé « les communautés dans l’État libanais »[4]. Cette position si particulière plaçait le territoire libanais dans le rôle de point de passage entre Orient et Occident tel un pont entre les deux univers.
Pour autant, le territoire ne s’est pas contenté uniquement d’être attrayant pour les différentes civilisations qui ont vu en lui la possibilité de faire rayonner leur grandeur. Le territoire a aussi constitué une terre de refuge pour de nombreux peuples en fuite à la recherche de sécurité. Ce fut notamment le cas des communautés arménienne en 1915 et 1920 et kurde entre 1925 et 1930. Là encore le facteur géographique peut être un début de réponse à un tel choix. Le Liban est constitué de chaines montagneuses[5] qui sont une barrière naturelle aux agressions extérieures en raison d’un accès plus difficiles et d’un contrôle plus complexe à exercer pour toute personne extérieure. Ces différentes migrations de population forment la base sur laquelle la société libanaise s’est progressivement construite et constituent la diversité sociale actuelle du pays qu’il faut prendre en considération dans l’organisation de la société et de la nation.
Le système politique libanais
Très tôt, l’enjeu d’intégrer cette pluralité s’est fait ressentir pour maintenir l’ordre. C’est ce que nous enseigne l’étude de l’histoire moderne et contemporaine du Liban dans laquelle ressortent plusieurs systèmes ou modèles régissant chacun une période donnée de l’histoire qui lui est propre. Les bases communautaires et confessionnelles étaient le point commun à tous ces systèmes. De manière générale, aucun de ces systèmes n’a duré plus de 30 ans. À titre d’Exemple, on peut citer Le système dit du Moutassarifiat des années 1860-1915[6]. Celui-ci reposait sur le fait que : le Mont Liban était administré par un gouverneur dit Motassarref, ressortissant ottoman étranger au Mont Liban, mais de religion chrétienne. Entouré d’un Conseil administratif de douze membres représentant les différentes communautés de la montagne libanaise[7]. De la même manière, le grand Liban fondé par la France en 1920 n’y a pas échappé et a été doté d’un régime confessionnel. La commission législative, mise en place en 1920 par la puissance mandataire, était composée de membres désignés en fonction de leur appartenance communautaire ou confessionnelle. De même, le Conseil représentatif, créé en 1922 et qui a adopté la constitution de 1926, était formé de représentants élus sur la base de la répartition des sièges entre les communautés religieuses[8]. Le système politico-social libanais actuel prend ses origines dans cet héritage. Dans le cadre de l’indépendance, les diverses communautés libanaises avaient besoin d’un système pour organiser leurs relations politiques et sociales. Le « Pacte national » est un pacte qui se mit en place en 1943 et resta oral. Cette entente verbale entre les leaders des grandes communautés est fondée sur un double renoncement. Celui des chrétiens à l’occident et celui des musulmans au monde arabe. Le but étant de renoncer à tout soutien extérieur auquel pourrait recourir une communauté dans l’objectif de se renforcer sur la scène nationale en raison de moyens plus conséquents. Selon Khayrallah Ghanem, il s’agit d’« un équilibre entre l’Orient et l’Occident, entre les chrétiens et les musulmans »[9]. Le déclenchement de la guerre civile en 1975 qui fit voler le Pacte national en éclat montra les limites d’un tel système d’organisation.
Après quinze années de guerre civile, l’exacerbation des tensions entre les différentes parties de la nation sur des critères communautaires ou confessionnels vient complexifier les difficultés d’intégration de la diversité dans un système unique. L’accord de Taëf, nouveau système d’entente nationale, apparaissait pour mettre fin à une guerre fratricide et réorganiser la société. Mais cet accord n’a pas apporté de grandes modifications ni même réformé les principes qui étaient aux fondements même des anciens systèmes (constitution de 1926-pacte de 1943). La nouveauté prévue par cet accord était la suppression du confessionnalisme politique par étapes ainsi que des réformes administratives. C’est sur cette note que cet accord représente la dernière évolution du système libanais.
Le contexte régional dans l’organisation du système politique
La création d’un État libanais ainsi que d’une nation libanaise, fragile et encore à la recherche de sa propre organisation, n’a pas mis fin à l’attrait du territoire comme terre de refuge pour des peuples en fuite. L’environnement régional est le principal facteur explicatif du phénomène qui se poursuit. La région est sous tension. Source permanente de crise, elle est le théâtre de plusieurs conflits, qu’ils soient anciens et courent depuis plusieurs décennies ou récents émergeant il y a quelques années seulement. Le Liban est proche des zones de conflits ce qui facilite ce rôle de refuge. Depuis son indépendance, le Liban a connu des vagues successives de réfugiés de toutes confessions et religions. Les réfugiés palestiniens sont certainement le symbole le plus prégnant d’un conflit qui dure. À cause du conflit israélo-palestinien, trois vagues de réfugiés palestiniens fuyant le conflit se succédèrent au Liban (1948-1968-1970)[10]. D’autres conflits plus ponctuels infligèrent aussi leur lot de réfugié dont une partie s’abrita au Liban, comme la guerre d’Iraq à l’issue de la première et la deuxième guerre du Golfe. Enfin, plus récemment, la crise syrienne engendra de nombreux mouvements de populations vers le Liban avec un million et demi de réfugiés syriens contraints de quitter leur maison à cause de la guerre qui ravage leur pays. Ce contexte de mutations régionales a ses répercussions sur le Liban à travers par exemple le cas des réfugiés. Est-ce que ce contexte régional est une menace pour l’équilibre du système libanais composé d’une mosaïque de peuples et fonctionnant sur une base confessionnelle ou au contraire il est une solution pour les conflits dans la région, comme un modèle à réutiliser ou à adapter ?
Le Liban a toujours été un territoire sous emprises régionales et internationales. Le confessionnalisme est depuis longtemps intégré dans l’organisation du pays et par la même occasion, il est toujours accompagné d’une fragilité visible sur plusieurs niveaux démographique, social, économique, ou encore politique. La laïcité peut-elle être une solution pour pallier à une fragilité permanente ou endémique ? Quoi qu’il en soit la diversité de la société libanaise est un atout ou peut l’être si elle est prise en compte dans le système.
[1] Paul Blanc a occupé le poste d’ambassadeur de la France au Liban de 1986 à 1988.
[2] Lecerf Marie-Ange, Comprendre le Liban, Paris, Karthala, 1988, p. 14.
[3] Pierre Rondot (1904-2000), Saint-cyrien, ancien agent de la DGSE, a servi au Proche-Orient où il aida à la Création des services de renseignement syriens et libanais durant le mandat français. Entre 1954 et 1967, il est directeur du centre des hautes études sur l’Afrique et l’Asie modernes (CHEAM) Ses ouvrages de référence sont Les chrétiens d’Orient, L’Islam et les musulmans d’aujourd’hui et L’Islam.
[4]Rondot Pierre, « Les communautés dans l’État libanais », Cahier de l’Association France nouveau Liban, 1979.
[5] Plusieurs communautés religieuses sont venues se réfugier dans la montagne libanaise. Les maronites qui s’implantent dans la vallée de la Quadicha dans le Mont Liban septentrionale. Ainsi la communauté Druze qui a quitté l’Egypte vers la fin de 9éme siècle s’est installée dans la partie sud de la même montagne.
[6] Le 5 juin 1915, le dernier gouverneur du Mont-Liban Ohannès Kuyoumdjian a présenté sa démission, tout de suite accepté par Djamal Pacha. Son départ mettait fin à l’histoire de l’autonomie de la montagne libanaise. Pour plus de détails, Voir Rabbath Edmond, la formation historique du Liban politique et constitutionnel, Essai de synthèse, Edition librairie Orientale, Beyrouth, 1986, pp. 236-239.
[7] Idem.,
[8] Ammoun Denise, Histoire du Liban Contemporain 1860-1943, Editons Fayard vol N°1, Paris 1997, p
[9] Ghanem Khayrallah, Le système électoral et la vie politique au Liban, vol. 10, Beyrouth, Université Saint-Esprit, 1983, p. 27.
[10] Pour plus de détails, El Khoury Antoine, La crise de 1982 à la mémoire de la guerre civil libanaise et les interventions étrangères au Liban (1975-1990), Thèse en Histoire politique sous la direction de Vincent Joly soutenue à l’Université de Rennes 2, le 19-12-2014.